La Poésie, ou comment partager sa passion avec des mots

Nous avons sélectionné pour vous ici quelques poèmes qui sentent bon l'iode, les embruns, et parfois même l'huile de nos conserves préférées.

Et puis cela tombe bien car manger des sardines serait bon pour la mémoire. Alors vous allez pouvoir concrétiser cela avec des exercices pratiques. Il ne vous reste plus qu'à les apprendre par coeur et à les réciter avec entrain en ouvrant une belle boîte de votre collection.

Vous connaissez d'autres poèmes proches de cet univers ? N'hésitez pas à nous les partager nous aimons toujours en découvrir de nouveaux !

poesie-passion-sardine

Si... de Jean-Luc Moreau (poète français né en 1937)

Si la sardine avait des ailes,
Si Gaston s’appelait Gisèle,
Si l’on pleurait lorsque l’on rit,
Si le pape habitait Paris,
Si l’on mourait avant de naître,
Si la porte était la fenêtre,
Si l’agneau dévorait le loup,
Si les Normands parlaient zoulou,
Si la Mer Noire était la Manche,
Et la Mer Rouge la Mer Blanche,
Si le monde était à l’envers,
Je marcherais les pieds en l’air,
Le jour je garderais la chambre,
J’irais à la plage en décembre,
Deux et deux ne feraient plus trois…
Quel ennui ce monde à l’endroit !

L'air en conserve de Jacques Charpentreau (poète français 1928-2016)

Dans une boîte, je rapporte
Un peu de l'air de mes vacances
Que j'ai enfermé par prudence.
Je l'ouvre !
Fermez bien la porte
Respirez à fond !
Quelle force !
La campagne en ma boîte enclose
Nous redonne l'odeur des roses,
Le parfum puissant des écorces,
Les arômes de la forêt...
Mais couvrez-vous bien, je vous prie,
Car la boîte est presque finie :
C'est que le fond de l'air est frais.

Pendant la tempête de Théophile Gautier (poète français 1811-1872)

La barque est petite et la mer immense ;
La vague nous jette au ciel en courroux,
Le ciel nous renvoie au flot en démence :
Près du mât rompu prions à genoux !

De nous à la tombe, il n'est qu'une planche.
Peut-être ce soir, dans un lit amer,
Sous un froid linceul fait d'écume blanche,
Irons-nous dormir, veillés par l'éclair !

Fleur du paradis, sainte Notre-Dame,
Si bonne aux marins en péril de mort,
Apaise le vent, fais taire la lame,
Et pousse du doigt notre esquif au port.

Nous te donnerons, si tu nous délivres,
Une belle robe en papier d'argent,
Un cierge à festons pesant quatre livres,
Et, pour ton Jésus, un petit saint Jean.
À découvrir sur le site https://www.poesie-francaise.fr/theophile-gautier/poeme-pendant-la-tempete.php

Soirée en mer de Victor Hugo (poète français 1802-1885)

Près du pêcheur qui ruisselle,
Quand tous deux, au jour baissant,
Nous errons dans la nacelle,
Laissant chanter l’homme frêle
Et gémir le flot puissant ;

Sous l’abri que font les voiles
Lorsque nous nous asseyons,
Dans cette ombre où tu te voiles
Quand ton regard aux étoiles
Semble cueillir des rayons ;

Quand tous deux nous croyons lire
Ce que la nature écrit,
Réponds, ô toi que j’admire,
D’où vient que mon cœur soupire ?
D’où vient que ton front sourit ?

Dis ? d’où vient qu’à chaque lame,
Comme une coupe de fiel,
La pensée emplit mon âme ?
C’est que moi je vois la rame
Tandis que tu vois le ciel !

C’est que je vois les flots sombres,
Toi, les astres enchantés !
C’est que, perdu dans leurs nombres,
Hélas, je compte les ombres
Quand tu comptes les clartés !

Chacun, c’est la loi suprême,
Rame, hélas ! jusqu’à la fin.
Pas d’homme, ô fatal problème !
Qui ne laboure ou ne sème
Sur quelque chose de vain !

L’homme est sur un flot qui gronde.
L’ouragan tord son manteau.
Il rame en la nuit profonde,
Et l’espoir s’en va dans l’onde
Par les fentes du bateau.

Sa voile que le vent troue
Se déchire à tout moment,
De sa route l’eau se joue,
Les obstacles sur sa proue
Écument incessamment !

Hélas ! hélas ! tout travaille
Sous tes yeux, ô Jéhovah !
De quelque côté qu’on aille,
Partout un flot qui tressaille,
Partout un homme qui va !

Où vas-tu ? – Vers la nuit noire.
Où vas-tu ? – Vers le grand jour.
Toi ? – Je cherche s’il faut croire.
Et toi ? – Je vais à la gloire.
Et toi ? – Je vais à l’amour.

Vous allez tous à la tombe !
Vous allez à l’inconnu !
Aigle, vautour, ou colombe,
Vous allez où tout retombe
Et d’où rien n’est revenu !

Vous allez où vont encore
Ceux qui font le plus de bruit !
Où va la fleur qu’avril dore !
Vous allez où va l’aurore !
Vous allez où va la nuit !

À quoi bon toutes ces peines ?
Pourquoi tant de soins jaloux ?
Buvez l’onde des fontaines,
Secouez le gland des chênes,
Aimez, et rendormez-vous !

Lorsque ainsi que des abeilles
On a travaillé toujours ;
Qu’on a rêvé des merveilles ;
Lorsqu’on a sur bien des veilles
Amoncelé bien des jours ;

Sur votre plus belle rose,
Sur votre lys le plus beau,
Savez-vous ce qui se pose ?
C’est l’oubli pour toute chose,
Pour tout homme le tombeau !

Car le Seigneur nous retire
Les fruits à peine cueillis.
Il dit : Échoue ! au navire.
Il dit à la flamme : Expire !
Il dit à la fleur : Pâlis !

Il dit au guerrier qui fonde :
– Je garde le dernier mot.
Monte, monte, ô roi du monde !
La chute la plus profonde
Pend au sommet le plus haut. –

Il a dit à la mortelle :
– Vite ! éblouis ton amant.
Avant de mourir sois belle.
Sois un instant étincelle,
Puis cendre éternellement ! –

Cet ordre auquel tu t’opposes
T’enveloppe et t’engloutit.
Mortel, plains-toi, si tu l’oses,
Au Dieu qui fit ces deux choses,
Le ciel grand, l’homme petit !

Chacun, qu’il doute ou qu’il nie,
Lutte en frayant son chemin ;
Et l’éternelle harmonie
Pèse comme une ironie
Sur tout ce tumulte humain !

Tous ces faux biens qu’on envie
Passent comme un soir de mai.
Vers l’ombre, hélas ! tout dévie.
Que reste-t-il de la vie,
Excepté d’avoir aimé !

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Ainsi je courbe ma tête
Quand tu redresses ton front.
Ainsi, sur l’onde inquiète,
J’écoute, sombre poète,
Ce que les flots me diront.

Ainsi, pour qu’on me réponde,
J’interroge avec effroi ;
Et dans ce gouffre où je sonde
La fange se mêle à l’onde… –
Oh ! ne fais pas comme moi !

Que sur la vague troublée
J’abaisse un sourcil hagard ;
Mais toi, belle âme voilée,
Vers l’espérance étoilée
Lève un tranquille regard !

Tu fais bien. Vois les cieux luire.
Vois les astres s’y mirer.
Un instinct là-haut t’attire.
Tu regardes Dieu sourire ;
Moi, je vois l’homme pleurer !

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